I. INTRODUCTION
Qui sont les porteurs d’implants cochléaires ? Il s’agit de personnes dont les cellules auditives de l’oreille interne sont endommagées ou absentes et qui entendent grâce à un dispositif électronique. Ce dernier, nommé implant cochléaire, a pour fonction de remplacer une oreille qui a perdu son audition. C’est ce qui le distingue de l’appareil auditif qui, lui, assiste une oreille dysfonctionnelle en amplifiant le son. Les profils des porteurs d’implants cochléaires sont variés : certains les acquièrent tôt dans leur vie, d’autres plus tardivement; certains en ont deux, d’autres un seul; certains ont entendu avant de porter l’implant tandis que d’autres découvrent l’audition avec l’implant. Bref, chaque porteur d’implants cochléaires a une audition qui lui est propre. Cela dit, le dénominateur commun des porteurs d’implants cochléaires est qu’ils font face à une limitation auditive à géométrie variable. Si l’implant cochléaire permet aux sourds et malentendants d’entendre leurs pairs, il ne leur garantit pas une intégration complète à la société civile. En effet, ceux-ci demeurent susceptibles d’être confrontés à des obstacles dans l’accomplissement d’activités courantes. La question qui se pose est alors de savoir comment assurer aux personnes implantées une autonomie complète, autant que faire se peut, considérant leur handicap. À ce titre, l’Association des implantés cochléaires du Québec (ci-après : « l’AICQ ») a notamment pour mandat de promouvoir les intérêts de ses membres, et en particulier de défendre leurs droits. Quels sont-ils ? Il s’agit de la défense de leur droit à l’égalité, d’une part, et de la promotion de leur liberté d’expression, d’autre part.
II. L’AICQ DÉFEND LE DROIT À L’ÉGALITÉ DE SES MEMBRES
Le droit à l’égalité est consacré à l’article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ, c. C-12 (ci-après : « la Charte ») lequel prévoit :
10. Toute personne a droit à la reconnaissance et à l’exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, l’identité ou l’expression de genre, la grossesse, l’orientation sexuelle, l’état civil, l’âge sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l’origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap ou l’utilisation d’un moyen pour pallier ce handicap.
Il y a discrimination lorsqu’une telle distinction, exclusion ou préférence a pour effet de détruire ou de compromettre ce droit.
Dans le cadre de l’application du droit à l’égalité, la Charte interdit la discrimination fondée sur le handicap. Selon la Cour suprême, le mot « handicap » doit faire l’objet d’une interprétation large et libérale, par opposition à une interprétation dite restrictive . Selon cette conception, le handicap peut résulter aussi bien d’une limitation physique que d’une affection, d’une construction sociale, d’une perception de limitation ou d’une combinaison de tous ces facteurs. C’est l’effet de l’ensemble de ces circonstances qui détermine si l’individu est ou non affecté d’un « handicap » pour les fins de la Charte . Il convient de préciser qu’un « handicap » n'exige pas obligatoirement la preuve d’une limitation physique ou la présence d’une affection quelconque : il peut être soit réel ou perçu .
Considérant cette définition large du mot « handicap », une personne qui porte un implant cochléaire peut, aux fins de l’application de la Charte, être qualifiée d’handicapée. S’il est clair que la surdité est un handicap, alors l’implant cochléaire est un exemple de moyen utilisé pour pallier ce handicap. Ce faisant, discriminer une personne en raison du fait qu’il porte un implant cochléaire serait proscrit aux termes de l’article 15 de la Charte.
Cette qualification a son importance. Le champ d’application de la Charte s’étend non seulement aux rapports entre les citoyens et l’État mais également aux rapports mutuels entre citoyens . Autrement dit, la discrimination fondée sur le handicap ou sur l’utilisation d’un moyen pour pallier ce handicap est interdite aussi bien dans l’accès aux services offerts par l’État que pour toute transaction entre particuliers, qu’il s’agisse d’une vente, d’un bail ou d’un contrat de travail pour ne nommer que quelques exemples.
À ce titre, il est utile de reprendre les remarques formulées dans le Rapport de la Commission sur l’égalité en matière d’emploi :
L'égalité en matière d'emploi signifie que nul ne doit se voir refuser un débouché pour des raisons qui n'ont rien à voir avec sa compétence. Elle signifie le libre accès sans barrières arbitraires. La discrimination fait qu'un obstacle arbitraire vient souvent s'interposer entre la compétence d'une personne et sa possibilité d'en faire la preuve. Si quiconque désirant se réaliser a véritablement la possibilité d'accéder à l'emploi qui l'intéresse, on atteint alors une certaine égalité, c'est-à-dire le droit à l'égalité sans aucune discrimination.
Dans ce contexte, la discrimination s'entend des pratiques ou des attitudes qui, de par leur conception ou par voie de conséquence, gênent l'accès des particuliers ou des groupes à des possibilités d'emplois, en raison de caractéristiques qui leur sont prêtées à tort. L'intéressé n'est pas limité par ses capacités, mais par des barrières artificielles qui l'empêchent de mettre à profit son potentiel.
Pour faciliter le libre accès au marché du travail sans barrières arbitraires, l’AICQ a créé un projet-mentorat par lequel elle offre des ateliers de correction de CV ainsi que des pratiques d’entrevues d’embauche aux porteurs d’implants cochléaires de 18 à 25 ans.
III. L’AICQ DÉFEND LA LIBERTÉ D’EXPRESSION DE SES MEMBRES
Qualifiée de liberté fondamentale, la liberté d’expression est consacrée à l’article 3 de la Charte :
3. Toute personne est titulaire des libertés fondamentales telles la liberté de conscience, la liberté de religion, la liberté d’opinion, la liberté d’expression, la liberté de réunion pacifique et la liberté d’association.
L’AICQ défend la liberté d’expression de ses membres en leur donnant de nombreuses opportunités de dialoguer. En particulier, l’AICQ organise des conférences, des panels d’information, des soirées témoignages et des activités variées tout au long de l’année. Ces événements, animés par des sympathisants ou des experts, constituent autant d’opportunités pour ses membres d’apprendre et d’échanger au sujet de leur audition.
L’AICQ fait le pont entre les membres actuels et les futurs membres. En effet, elle permet à de potentiels porteurs d’implants cochléaires de rencontrer ceux qui en portent, que ce soit à travers le jumelage avant l’implantation, les soirées témoignages ou encore la mise en relation des implantés d’une même région. Par le biais de ces nombreuses activités, l’AICQ crée autant d’occasions pour les futurs implantés de s’exprimer et de se renseigner. Ces rencontres sont le meilleur moyen pour les éventuels porteurs d’implants cochléaires de se renseigner auprès des porteurs d’implants actuels.
Par ailleurs, le journal « À l’écoute… » de l’AICQ constitue une vitrine privilégiée dans laquelle les membres de tout âge ont l’opportunité de partager leur témoignage. Publié plusieurs fois par année, le journal encourage ses membres à partager leur expérience avec l’implant cochléaire. Il permet, en somme, à la communauté des porteurs d’implants cochléaires de s’enrichir du témoignage de chacun. Ce faisant, elle est le garant de la liberté d’expression pour tout ce qui touche de près ou de loin les implants cochléaires en ce qu’elle crée un climat favorable à l’échange pour ses membres.
IV. CONCLUSION
L’AICQ vise à protéger le droit à l’égalité de ses membres en réduisant, autant que faire se peut, les barrières arbitraires qui les séparent de l’accès au marché du travail. L’association a également pour objectif de fournir à ses membres le plus d’occasions possibles de s’exprimer afin de favoriser leur épanouissement personnel. En protégeant le droit à l’égalité et en garantissant la liberté d’expression des porteurs d’implants cochléaires, l’AICQ assure l’autonomie de ses membres. En tout état de cause, si les implants cochléaires donnent l’audition à ceux qui les portent… l’AICQ leur donne une voix.